Il y a quelques mois nous répondions à un appel à manifestation d’intérêt de l’Institut français du Monde associatif (IFMA) sur la thématique « Quelle contribution du fait associatif aux territoires ? », et plus spécifiquement sur les manières dont les acteurs associatifs proposaient d’autres récits de leur géographie d’action. C’est à partir de deux territoires, le centre-ville de Saint-Denis et le quartier du Blosne à Rennes que nous formulions une réponse collective afin d’interroger la « Mise en mots et en récit du quotidien comme mode d’engagement à l’échelle du territoire ».
Au moment où nous obtenions le financement de notre projet par l’IFMA, une salle associative historique du centre-ville de Saint-Denis, géré par l’Amicale des arbalétriers, association de locataires de l’îlot 9, perdait son autonomie, au profit d’un projet départemental d’habitat inclusif destiné aux seniors de la résidence HLM. L’histoire de cette salle en tant que lieu autonome, pluriel, décalé, et déprojectionné (une salle associative totalement hors de la logique projet), se terminait. Nous proposions alors à Martine Bodineau, qui était encore présidente l’Amicale des arbalétriers, de faire le « récit de vie » de ce lieu associatif lors d’une de nos permanences de recherche au « 110 ». Cette proposition a d’abord pris la forme d’un récit oral déployé devant une dizaine de personnes dans la grande salle du rez-de-chaussée du centre socioculturel, un récit qui ne pouvait dès lors être qu’une « histoire par le bas ». Ce n’est qu’en deuxième temps que cette histoire a donné lieu à un écrit (de plus de quarante pages!) que nous donnons lire ici. Que ce type de « mise en mot et en récit » soit si rare à l’échelle de nos territoires de vie, devrait nous interroger sur les formes d’attention que nous accordons (ou que nous n’accordons pas) à nos trajectoires collectives et individuelles, à nos quotidiens, nos voisinages, nos mobilisations. La question « qu’est-ce qui mérite d’être raconté ? », posée par l’autrice en préambule de son texte, devient alors un enjeu politique et démocratique central, dont nous devrions nous saisir pour affirmer notre droit à faire histoire, sur un mode mineur, fragmenté, refusant, dans le même temps, les approches hégémoniques et homogènes de nos villes.
Bien sûr « faire récit » d’une dynamique associative, à la première personne, relève inévitablement d’une forme d’histoire de vie. Raconter 40 ans d’engagements dans une salle associative c’est, avant tout, se raconter soi-même dans son rapport à ce lieu. Pourtant, en lisant ce récit singulier, et sa mise en réflexion, qui n’engage, à première vue, que son autrice, nous découvrons une (des) histoire possible de Saint-Denis. Une manière de vivre et de faire face à ses transformations, ses permanences, ses devenirs, ses insistances… Plus largement encore ce récit donne à voir comment nos dynamiques associatives, et lieux collectifs sont des moyens puissants pour garder prise sur des « morceaux de territoire », même lorsque la démocratie locale fait défaut, pour continuer à faire voisinage, avec celles et « ceux qui restent ».
Commentaires
2 réponses à “« Récits de vie, récits de ville ». L’ancrage dans un morceau de territoire”
[…] texte est donné à lire ici, présenté ainsi par Louis […]
[…] Le « récit de vie » d’une salle associative, développée comme lieu autonome, pluriel et déprojectionné (hors logique projet), dans le centre-ville populaire de Saint-Denis pendant une quarantaine d’années. Martine Bodineau, chercheuse et militante de quartier, s’est lancée dans ce « retour sur histoire(s) » à propos d’une expérience qui l’engage personnellement. Cet effort de mise en mots et en récit de ce que nous nommerions aujourd’hui « un commun du quotidien » est précieux car il « instruit » nos expériences collectives mais aussi la façon de faire recherche avec elles.Qu’est-ce qui mérite d’être raconté ? Posée par l’autrice en préambule de son texte, cette question est un enjeu politique et démocratique majeur, dont nous pouvons nous saisir pour affirmer notre droit à faire histoire et recherche sur un mode mineur, fragmenté, refusant, dans le même temps, les approches hégémoniques et homogènes de nos villes.« Faire le récit de vie d’un lieu associatif. L’ancrage dans un morceau de territoire », à lire sur notre site quartiersenrecherche : https://quartiersenrecherche.net/recits-de-vie-recits-de-ville-lancrage-dans-un-morceau-de-territoir… […]